Ces dernières années, certains gardes forestiers vivent constamment dans la peur d’être agressés par des terroristes.
S’il est un métier à risque qui soulève, ces dernières années, plus d’inquiétude chez ceux qui le pratiquent, ce serait bien celui du garde forestier, dont l’accomplissement est confronté, de plus en plus, à la peur du terrorisme, mais aussi aux actes de pillage de nos forêts et aux agressions auxquelles ce dernier fait face suite à la prolifération des actes d’abattage des arbres et de défrichement de certaines forêts.
Il n’est d’ailleurs qu’à se rendre à la forêt de Ouergha, dans le gouvernorat du Kef, pour se rendre à l’évidence à quel point le métier de garde forestier est devenu à grand risque, eu égard aux multiples attaques, dont ont été victimes certains agents forestiers de la part de nombre de malfaiteurs ou de hors-la-loi, sans scrupule, en quête de coupe d’arbre pour leur commercialisation ou encore de la part de certains chasseurs pratiquant le braconnage, car le garde forestier assure la protection du patrimoine forestier, notamment contre les incendies, l’abattage sauvage des arbres, rend compte de toutes les atteintes au couvert végétal et déclare même les maladies et les insectes qui peuvent affecter les arbres, tout en menant régulièrement des inspections et veillant à l’application des lois, règlements et autres mesures de prévention en vigueur.
Malheureusement, ces dernières années, certains gardes ont été confrontés à des scènes violentes et ont fait l’objet d’agressions de la part de certains éléments terroristes de passage, ou ayant élu, temporairement, domicile dans les forêts de la région.
Mokhtar, un garde originaire de la région de Farchène, dans la délégation frontalière de Sakiet Sidi Youssef a même perdu, accidentellement, l’un de ses pieds, il y a quelques années, suite à l’explosion d’une mine artisanale que certains terroristes ont implantée à l’avant du poste où il exerçait son activité de surveillance des forêts de cette localité. Il a été transporté à l’hôpital où il a été amputé de la jambe gauche.
D’autres gardes dans la même zone forestière vivent toujours dans l’inquiétude, la peur au ventre, et se sentent réellement menacés dans leur vie, tant ils sont considérés par les terroristes comme des mouchards et des indicateurs chargés par les services de sécurité pour les renseigner, entre autres, sur les activités des terroristes. «Nous avons, certes, peur des terroristes, mais aussi de tout», nous confie un garde, ayant requis l’anonymat, qui estime que la profession de garde est devenue, depuis la révolution, à haut risque, d’autant plus encore que la multiplication du braconnage et l’exploitation abusive des forêts, notamment la coupe sauvage des arbres, leur a rendu la vie dure, tant que les gardes forestiers n’ont ni les moyens humains ni les pouvoirs pour arrêter les agresseurs qui agissent souvent en bandes organisées, essentiellement la nuit, pour essayer d’échapper à l’œil des services forestiers et de garantir plus de célérité à leurs activités illicites.Selon la direction des forêts du Kef, plus de 7.000 ha de forêts sont partis en fumée et plus de 1.500 personnes ont été verbalisées en 2018, alors que plus de 250 véhicules privés transportant du bois issu de la coupe sauvage des arbres ont été saisis au cours de la même année. Un topo qui a été souvent émaillé, selon un autre responsable au sein de cette même direction, par des échauffourées entre les services forestiers et les contrevenants, ayant abouti à la fermeture provisoire du service des forêts à Sakiet et la poursuite pénale des agresseurs.
Les gardes, pris dans un dilemme, en l’occurrence la peur des agressions et la volonté de préserver leur profession, réclament ainsi plus de protection, et recommandent, tout particulièrement, de mener des opérations d’inspection en étroite collaboration avec les services de sécurité ou de l’Armée nationale, notamment dans les zones militaires fermées où le phénomène de l’abattage des arbres est jugé plus virulent, en ce que les malfaiteurs sont conscients qu’il n’y a personne qui ose y entrer, y compris les gardes et que la présence militaire n’y est pas permanente.
Ils appellent aussi à la révision du Code forestier vers plus de fermeté envers les agresseurs de forêts et tous ceux qui portent atteinte à l’écosystème, d’une façon générale, en vue de préserver le patrimoine forestier national, de sécuriser nos forêts et de garantir la sécurité des gardes qui, malheureusement, se font de moins en moins nombreux, car tout départ à la retraite n’est pas remplacé et le recrutement est nul dans ce secteur, ces dernières années.
Jamel Taibi